VISITE VIRTUELLE DU CHÂTEAU DE LONGVILLIERS EN 1602

Par le Marquis René de Belleval
de Belleval R. (1900) - Les derniers Valois: François II, Charles IX, Henri III. Paris: Librairie historique et militaire Henri Vivien, pages 233-243.

c'était une vaste construction en pierres, carrée, renfermant une cour intérieure sur laquelle prenaient jour tous les appartements. D'étroites et rares meurtrières rompent seules vers la campagne l'uniformité des épaisses murailles.

Un pont-levis, défendu par deux tours, donne accès dans la cour; aux angles opposés se dressent la grosse tour et la tour du cabinet; une cinquième tour s'élève entre la grosse tour et celle qui est à gauche de la poterne. Au-dessus de la poterne il y a, au premier étage, une chambre surmontée d'un galetas.

Le rez-dechaussée se compose, dans l'aile gauche, de la vieille cuisine, du bûcher, des caves et des celliers dans l'aile droite, de la cuisine et de l'office tout le bâtiment du fond est occupé par la grande salle basse et un cabinet y attenant.
Au premier étage, nous trouvons dans l'aile gauche, une chambre dans une des tours de la porte, la grande chambre sur la vieille cuisine, sa garde-robe, une autre chambre dans la tour, puis la chambre de la grosse tour; dans le corps de logis, la grande salle haute, la chambre de Monsieur, la chambre du milieu, puis deux autres chambres, et enfin celle de la tour du cabinet; en continuant par l'aile droite, nous entrons dans un cabinet qui nous conduit dans la chambre de Madame, située sur la cuisine et terminée par la garde-robe qui donne contre l'autre tour de la porte, dans laquelle il y a également une chambre.
Le corps de logis et les ailes n'ont qu'un premier étage au-dessus duquel se proillent les toits élevés recouvrant de vastes greniers; ils sont dominés par les cinq tours surélevées d'un étage de plus, avec une chambre dans chacune, et qui, sous leurs toits d'ardoises, ont une couronne de machicoulis.

La cuisine et l'office

La grande salle basse

Dans la cuisine, dont le mobilier n'a rien qui puisse nous intéresser, une armoire renferme une nombreuse vaisselle d'étain pesant 223 livres.

Dans l'office, il y a deux coffres remplis de linge de cuisine en toile de chanvre, en pièces, non façonné il y en a quatre-vingt six aunes, tant nappes que serviettes.
De l'office passons dans la grande salle basse, l'une des deux pièces de réception, puisqu'il y a aussi une grande salle haute. L'ameublement en est sobre et sévère les murs sont couverts d'une tapisserie de haute lice "à personnages d'Egyptiens" et la cheminée est également drapée d'une haute tapisserie "de plusieurs couleurs".
Dans cette cheminée il faut remarquer deux chenets "de fonte à l'antique" d'un côté un "buffet de salle de bois d'érable", d'un autre côté "une petite armoire garnie de ferrures" autour de la salle et devant le foyer "trois cherres (grandes chaises) et une petite à enfant", quatorze escabelles de bois de noyer, deux coffres à bahut et deux huches de chêne; au milieu de la salle une table carrée "qui se tire," et une autre table carrée "en forme d'ung bureau de bois de chesne," et quatre tableaux peints sur bois.

De la poterne à une chambre circulaire

la grande chambre sur la vieille cuisine

Négligeons la cave et les celliers pour monter au premier étage. Pour visiter le premier étage avec ordre et méthode, il faut commencer par un côté du château et finir par l'autre. Le point de départ logique est la poterne dans laquelle s'ouvrent les deux escaliers conduisant dans les deux tours qui en défendent l'entrée. L'escalier de la tour de gauche débouche dans une chambre circulaire meublée d'un lit de camp à l'impériale, d'une couchette de chêne avec un ciel de serge rouge bordé de franges et de crépines vertes et blanches et des rideaux de serge rouge, avec sa literie, "son lit" comme on disait alors une table, deux chaises, trois escabeaux et deux chenets de fer. Un corridor étroit et voûté nous mène dans la "grande chambre sur la vieille cuisine;" la cheminée est garnie de deux chenets de fonte, les murs sont tendus d'une tapisserie de Beauvais, qui n'a pas moins de 68 aunes de développement. Il y a deux lits, l'un carré "garny de verges de fer et verny", l'autre en forme de couchette; un "buffet de salle", deux tables dont une à tréteaux, deux "cherres" (chaises) à dos garnies de velours noir, quatre "placets couvertz de tapyserie" et trois escabeaux.

La garde-robe

La tour près la grande chambre

Puis vient la garde-robe où l'on trouve la literie des deux lits, un autre "buffet de salle", une table à deux tréteaux, une couchette en chêne et noyer, une grande table en poirier, une petite table "en façon d'escabeau et une grande chayre à dais, le fond de cuir". De la garde-robe nous passons dans "la tour près la grande chambre", où l'on pouvait faire coucher quatre personnes, car il y a deux lits de camp, une couchette et une armoire "en façon de buffet pour mettre un lict.", avec leurs literies et leurs "catalognes" rouges et vertes, une table à deux tréteaux, une "chaise à dos" et un placet, une cheminée avec deux chenets de fer.
Au second étage de la tour on trouve une couchette avec un ciel de droguet noir et blanc, un "chalit [bois de lit ou couchetet] de bois de chesne", une table carrée et un buffet.

Une chambre au premier

Redescendons et reprenons la visite du premier étage. A la suite de la garde-robe que nous avons quittée pour entrer dans la tour, vient une chambre meublée d'un buffet, d'une chaise à dossier, d'un escabeau et d'un lit carré en façon de lit de camp, avec le ciel, les pentes, le fond et le dossier en tapisserie "à point croisé, rehaussés de soie et doublés de taffetas vert".

La grosse tour: Premier étage

La grosse tour: Deuxième étage

Nous voici enfin parvenu à la "grosse tour", dans laquelle, ainsi que dans les autres tours, devaient loger les soldats formant la garnison du château, si l'on en juge par la simplicité toute militaire de l'ameublement. Cette garnison, durant les troubles de la Ligue, se composait de soixante arquebusiers.
La chambre du premier étage ne contient qu'une table, un buffet, un escabeau, une couchette garnie avec un ciel à deux pentes en tapisserie dite point de Hongrie, et trois rideaux de camelot, et un "chalit" également garni.
II en est de même dans la chambre du second étage, avec un lit de camp, un chalit et une table carrée. La grosse tour, placée à l'angle de l'aile gauche et du corps de logis, est par conséquent adossée à la "grande salle haute" située précisément au-dessus de la grande salle basse.

La grande salle haute

La chambre de Monsieur

Cette vaste pièce est à peine meublée et servait de garde-robe au baron de Longvilliers, dont la chambre est contiguë.

Le mobilier consiste en deux chenets de fer forgé dans la vaste cheminée, un buffet à deux portes et deux tiroirs, en bois de chêne quatre chaises, trois escabelles, quatre tableaux peints sur bois, et six grands "coffres à bahut", dans lesquels sont enfermés les armes et les vêtements du baron. Dans un coin sont appuyés deux hallebardes et un épieu de chasse.
De cette grande salle on entre dans la chambre dite "chambre de Monsieur", dont les murs sont tendus de six pièces de tapisserie "à feuillages, contenant 29 aulnes" alternant avec six tableaux peints sur bois.
Dans la cheminée deux chenets "de fer fontif" et une pelle en fer. Dans un coin, un lit de noyer "à quatre piliers tournés, avec un ciel et trois pièces de courtine de damas changeant".

A la place d'honneur, au fond de la chambre, un superbe lit en bois de chêne, garni de "six pièces de pente", d'un ciel, d'un dossier et de "soubassements" en satin cramoisi "broché de cordons d'or", avec les rideaux de "damas cramoisy bordés de cordons d'or, à franges et crespines d'or". La literie est recouverte par une couverture de tapisserie à feuillages.
Sur un "coffre à bahut" sont rangés plusieurs "livres tant en latin que en français et aultres langues, vieux et uzés" à côté du coffre deux chaises à dos, garnies de velours noir.

La chambre du milieu

Une autre chambre

La "chambre du milieu" qui vient après, est moins somptueusement meublée tout y est en bois de chêne, la table à quatre pieds, le lit à quatre piliers carrés, le lit et le petit chariot d'enfants, le buffet et les trois bahuts renfermant une grande quantité de linge de cuisine; sur les murs sont tendues neuf pièces de tapisserie bleue et jaune, rayées de bandes blanches et rouges, et sur un des coffres sont posés deux coussins de tapisserie aux armes du seigneur de Longvilliers. Dans la chambre qui suit il n'y a qu'une table à tréteaux, une lanterne, une escabelle en chêne, trois tableaux sur toile et un sur bois, un lit de camp à crochets, et un beau lit en chêne orné "d'un tour de lict faict par carreaux de velours blancq et de toile d'or et d'argent, les franges de soye blanche, les crépines d'or, le fond de velours violet brun, le dessus de mesme, et six pièces de pente de thoile d'or et d'argent en carreaux, les bordures de velours violet broudé en feuillages."

La tour après le cabinet

Le cabinet de Mme de Longvilliers

Nous voici parvenus à la tour, qui, en parallèle avec la grosse tour, fait communiquer le corps de logis avec l'aile droite. On l'appelle "tour après le cabinet" parce que le premier appartement que l'on trouve dans l'aile droite est "le cabinet de la chambre de Madame".

Cette tour est entièrement privée de cabinet, mais en revanche, il faut remarquer dans la chambre du premier "six fauconneaux de diverses grandeurs garnys de leurs monteures. C'est l'artillerie du château. [le fauconneau était la plus petite pièce d'artillerie, en moyenne de 6 à 7 pieds de longuueur]
Dans le cabinet de Mme de Longvilliers, il y a peu de gros meubles, un "lit vert a se reposer" un placet couvert de tapisserie, deux escabeaux en noyer, une table à tiroirs en chêne, un bahut contenant de beau linge.

Les petits meubles élégants, féminins, sont deux petits coffres de soie "avec cassolettes", une "gaigne d'outilz à jardinyer plaine d'outilz", une gaine contenant dix couteaux, une montre et un cabinet de bois dans lequel il y a "plusieurs petites pièces qui servent de parement au dict cabynet".

La chambre de Madame

La garde-robe

La "chambre de Madame", dans laquelle nous entrons ensuite, est sans conteste la plus élégamment ornée de toutes les chambres du château. Dans la cheminée, dont le manteau est décoré d'une "litre de tapisserie" (pièce en forme de longue bande), il y a deux chenets de fonte et une "palette à feu" (une pelle).

Contre la muraille qui y fait face, est adossé un vaste et superbe lit carré en chêne et noyer, à quatre piliers tournés en spirale, le ciel, le dossier et le fond, ainsi que les trois pentes, sont "en drap d'or et velours céleste, semés de lettres d'or, où sont les armes du seigneur deffunct et de ladite dame", les quatre rideaux sont en damas violet, et une courte pointe en damas bleu recouvre la literie. C'est le lit de mariage.

D'un autre côté. voici un buffet de même travail et de même bois que le lit, fermant à clé, avec deux tiroirs, une table "en forme de tresteau", couverte d'un tapis de tapisserie, deux petites chaises garnies de tapisserie, deux escabeaux, une "petite tablette en façon de escabeau", une "chaire" ou chaise à haut dossier sculpté, une "cuvette à rafraischir vin", un bahut fermant à clé; à la muraille est accrochée "une orloge sonnante avecq les contre-poix, façon d'Allemagne".
Dans la garde-robe qui fait suite à la chambre et va s'appuyer contre une des tours défendant l'entrée, il y a plusieurs "coffres à bahut" fermant à clé:

dans le premier, il y a des garnitures de rechange pour les lits, c'est-à-dire les trois pentes, le ciel et le dossier; en voici une en tapisserie, une autre en tapisserie "au point croisé", une autre en serge rouge de Beauvais, brodée de velours vert avec les piqûres en soie blanche.

Dans le second coffre, doublé de toile blanche et divisé en plusieurs compartiments,

et dans un troisième sont les vêtements de la châtelaine.

Le quatrième est rempli de linge de corps et de table. Un coffret renferme l'argenterie, un autre coffret, les bijoux très nombreux et très riches.

La dernière tour: Première chambre

La dernière tour: Deuxième chambre

Nous entrons maintenant dans la seconde des deux tours qui défendent la porte et nous trouvons dans la chambre, un lit de camp avec toutes ses garnitures en vieux velours figuré brun et les rideaux en taffetas, une table en noyer sur deux tréteaux de fer, un buffet, deux escabeaux et "une cherre" en chêne. Dans la chambre au-dessus de la porte, entre les deux tours, il n'y a qu'un chenet de fonte, un lit de camp et une table carrée; dans le "galetas" qui la surmonte, un châlit et sa literie, deux tables, dont une sur tréteaux.
Après avoir descendu les deux étages d'un étroit escalier à vis, nous voici sous la poterne, hors du château, et à la fin du chapitre qui nous a fait pénétrer dans l'intimité de nos ancètres de la fin du XVIe siècle.


Longvilliers